Brexit. Quelles conséquences pour la propriété intellectuelle ?
Le Royaume-Uni (R.-U.) tient une place importante dans le monde de la Propriété Intellectuelle (PI), par le nombre de dépôts, l’attrait pour son système judiciaire et la contribution de ses praticiens et universitaires.
Le résultat du référendum est une terrible déception pour les professionnels de la PI en Europe, car les métiers de mandataires européens en marques et brevets résultent de la construction européenne et du désir d’harmonisation.
Keep Calm and Carry On
Le 2 août 2016, l’Office des marques et brevets du Royaume-uni (UK IPO) a publié son premier communiqué[1] sur l’impact du Brexit sur les droits de PI. Le message principal envoyé par l’Office est que le R.-U. continue à faire partie de l’UE jusqu’à ce que les négociations de sortie soient achevées.
Marques et dessins & modèles
Le Brexit n’affecte pas les enregistrements nationaux de marques et modèles ni les marques internationales désignant le R.-U.
En revanche, la sortie du R.-U. devrait entraîner également une sortie des systèmes de la marque de l’Union européenne et du dessin ou modèle communautaire, tous deux administrés par l’EUIPO[2] – une institution de l’UE. Ainsi une marque de l’UE, respectivement un modèle communautaire, qui produit des effets sur l’ensemble de l’UE, ne couvrira plus le territoire du R.-U.
Pour leurs nouveaux dépôts, les entreprises devront donc faire un dépôt séparé pour couvrir le R.-U. Dans ce contexte, on note que le R.-U. est membre du système de la marque internationale (système de Madrid) et pourra encore être désigné via un dépôt international.
En ce qui concerne les marques de l’UE et les modèles communautaires existants, on s’attend à ce que le gouvernement anglais mette en place un régime transitoire permettant aux titulaires de convertir leurs titres européens en titres nationaux, afin d’assurer la continuité des droits.
Ainsi, même si le système actuel va continuer à fonctionner de manière habituelle pendant encore un certain temps (a priori au moins deux ans), une période d’incertitudes s’ouvre pour les déposants et praticiens. En conséquence, et jusqu’à ce que les modalités de la conversion soient connues, les déposants les plus prudents pourront envisager, lors de leurs nouveaux dépôts de marques de l’UE ou de modèles communautaires, d’adjoindre une marque ou un modèle national au R.-U.
Enfin, une révision des licences et contrats relatifs à des marques de l’UE et/ou des modèles communautaires pourra s’avérer nécessaire, de sorte qu’ils fassent en outre référence aux marques et modèles au R.-U. issus de la conversion.
Brevets
Les brevets délivrés par l’UK IPO ne sont pas affectés. Le R.-U. restera également membre de la Convention sur le Brevet Européen, puisqu’il ne s’agit pas d’un instrument de l’Union européenne. Les entreprises auront donc toujours la possibilité de procéder centralement à un dépôt auprès de l’Office Européen des Brevets[3], afin d’obtenir un brevet européen désignant 40 pays, dont le R.-U. La partie anglaise des brevets européens obtenus avant le Brexit ne sera pas non plus affectée.
En revanche, le Brexit met en péril le nouveau système du Brevet Unitaire européen, attendu depuis 40 ans. Celui-ci met en place un « brevet européen à effet unitaire » conférant une protection uniforme[4] dans la plupart des Etats de l’UE ainsi qu’une Juridiction Unifiée du Brevet (J.U.B.), avec un siège à Paris, Munich et Londres. La J.U.B. aura compétence pour connaître des contentieux relatifs aux brevets européens unitaires et classiques. Une ratification de l’accord[5] sur la J.U.B. par 13 Etats membres, dont la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni est requise pour l’entrée en vigueur du système, qui était attendue au printemps 2017. A ce jour, 10 Etats l’ont ratifié, dont le Luxembourg, la France et la Belgique ; les démarches législatives étant engagées dans d’autres pays dont l’Allemagne et le R.-U.
Le UK IPO a indiqué dans son communiqué qu’il continuait à participer aux réunions du Comité Préparatoire. Si la ratification est possible tant que le Brexit n’est pas effectif, elle paraît difficile à imaginer sur la voie du désengagement.
Différentes hypothèses sont avancées pour maintenir le R.-U. dans le système, ce dernier ayant joué un rôle important dans sa construction. Pourra-t-on trouver une parade pour que le R.-U. participe au Brevet Unitaire en étant hors de l’UE ? Un Brevet Unitaire ne couvrant pas le R.-U. aurait-il un intérêt pour les entreprises ? Le suspense reste entier pour l’instant, et un retard paraît certain – en espérant que tous ces efforts ne seront pas vains.
[1] https://www.gov.uk/government/news/ip-and-brexit-the-facts
[2] Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle – anciennement OHMI
[3] http://www.epo.org
[4] Règlement (UE) No 1257/2012 du Parlement Européen et du Conseil du 17.12.2012
[5] voir https://www.unified-patent-court.org En savoir plus